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Séance 3  : Prévenir le fléau sous le préau

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22% des élèves harcelés n’en parlent à personne autour d’eux. Pour quelles raisons ? La peur de représailles, un sentiment de culpabilité, de honte ou plus généralement de mal-être profond. Pourtant se murer dans un silence ne fait qu’alimenter le harcèlement scolaire. Seul le partage de son désarroi à des adultes de confiance permettra à l’enfant de sortir de ce cercle vertueux et enfin entamer sa thérapie reconstructrice.

 

Dessin chap 3

 

 

          ace au harcèlement scolaire, qui touche 1 élève sur 10, des méthodes d’intervention existent. La plus populaire, la méthode Pikas ou “préoccupation partagée”, a déjà fait ses preuves au sein des établissements suédois. Cette technique s’appuie sur un groupe pour désamorcer une situation ou amener le harceleur à se préoccuper de sa victime. Comment ? En sensibilisant l’intégralité de la classe dans un premier temps après l'aveu difficile de la victime, pour ensuite se focaliser sur l’agresseur individuellement.

 

Autre technique qui semble rentrer dans le jeu du harceleur : le “boomerang verbal”. En expérimentation depuis 2016, cette méthode développée par les centres de thérapies brèves Chagrin Scolaire, munit les victimes de moyens de riposte face à leur agresseur. En d’autres termes, l’enfant harcelé fait tomber le harceleur de son piédestal de sorte à renverser le rapport de force, et tout cela sans l’aide des adultes. L’enquête rapportée par ces centres de thérapies montre une baisse drastique du harcèlement scolaire au sein des établissements expérimentaux. Le taux d’élèves malmenés passe de 21% à 9 %, soit 57% de baisse.

 

 

Ce dispositif semble efficace, et de fait très apprécié des adultes selon Emmanuelle Piquet, représentante de l’École de Palo Alto et fondatrice de ces centres. Mais former tous les élèves à ce moyen d’autodéfense est-il vraiment réalisable ? La psychologue confie au e-magazine scolaire VousNousIls qu’il est très difficile d’initier les collégiens au boomerang verbal, car cette arme est généralement dépréciée des adolescents : “ Il s’agit d’un système moralisateur, avec un discours inaudible au collège, où ce qui compte, c’est la popularité, pas l’empathie”.

 

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Comment donner la parole aux émotions ?

L’éducation à l’empathie, un traitement de fond ?

  

        Alors que les outils d’intervention actuels ne soulagent que les symptômes du harcèlement scolaire, une fois le mal installé, d’autres psychologues et pédopsychiatres se concentrent sur un traitement de fond possible dès la maternelle : l’éducation à l’empathie.

 

À Luxembourg, Catherine Verdier propose en ce sens la méthode des 3E, qu’elle développe dans son ouvrage de prévention #j’aime les autres (éditions du Rocher, septembre 2017). Elle résulte de trente années de thérapies, de lectures et des ateliers de confiance en soi que la psychologue mène au sein l’association Psyfamille, dont elle est présidente.

 

Selon elle, les enseignants sont démunis face aux situations de harcèlement. Ils ont besoin d’outils efficaces pour enrayer le phénomène, en adéquation avec les exigences de l’Organisation Mondiale de la Santé. Cette dernière prône une enfance sans violence, indispensable au développement sain d’un enfant. Elle a défini une liste de compétences psychosociales à enseigner aux plus jeunes, reprises dernièrement en mars 2015 par l'INPES. 

 

Compétences psychosociales à développer par l'O

Capture d'écran du rapport Santé en action n°431, rédigé par l'INPES  (Institut National de Prévention et d'Éducation pour la Santé (mars 2015).

 Si ces facultés psychosociales sont peu développées chez les enfants, ces derniers s’adonnent plus facilement à de la violence, à des comportements addictifs ou à risque d'après l'INPES. C’est un des facteurs déterminants du harcèlement scolaire, issu de l’échec de cet apprentissage.

Ne devenir ni harceleur, ni harcelé : mode d’emploi

                 méthode des 3E s’apparente plus à un état d’esprit à adopter qu’à une procédure pure et dure. Cela passe par l’apprentissage de ces trois fonctions psychosociales : les Émotions, l’Empathie, et l’Estime de soi. “Ces compétences sont la clé des interactions sociales, de l’acceptation et de l’adaptation à l’autre, à sa différence et sa spécificité” précise la psychologue. Cet apprentissage doit se faire en duo avec les enseignants et les parents.

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L

E comme Émotions

Ressentir des émotions est un phénomène parfaitement naturel chez l’Homme. En revanche, s’autoriser à pouvoir les ressentir est culturel. Certaines éducations occidentales dites “vieilles écoles” empêchent les enfants - à tort - de montrer leurs émotions sous prétexte de paraître vulnérable aux yeux de la société. Qui n’a jamais entendu de sermons comme “sois plus fort”, “il faut que tu te blindes par rapport aux autres” ou  “Arrête de pleurer ! C’est pour les tapettes” ?

 

 

 

 

 

 

 

Pourtant, ce discours moralisateur va à l’encontre de cet enseignement. Pour prendre du recul face à ses émotions, il faut les affronter, les comprendre, les identifier et ensuite essayer de les verbaliser, selon la psychologue. C’est seulement à l’issue de ce processus que l’enfant se renforce dans son for intérieur en prenant de la distance. D’où, l’intérêt de travailler très tôt sur les émotions, dès la maternelle. Les petits disposeront des outils nécessaires à l’entretien de relations saines avec autrui pour le reste de leur vie. “Prendre le temps de s’interroger soi-même ou ses camarades, c’est une hygiène de vie.” martèle Catherine Verdier. C’est prendre le temps de regarder l’autre afin de prévenir notamment d’une situation de harcèlement scolaire.

" Se recentrer sur soi, c'est une hygiène de vie ! "

E comme Estime de soi

L’estime de soi est la base de toute motivation humaine. Elle existe chez tout le monde. C’est la valeur que l’on s’accorde dès le matin au réveil. Est-ce que j’ai ma place sur Terre ? Ai-je quelque chose à faire avec les autres ? Suis-je suffisamment digne d’être aimé ? Le psychiatre Frédéric Fanget compare cette compétence au socle d’une pyramide, dépeint dans son ouvrage “Oser : la thérapie de la confiance en soi”.

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ESTIME DE SOI

CONFIANCE EN SOI

 

AFFIRMATION 

       DE SOI

 

Pyramide de la confiance en soi décrite par Frédéric Fanget (droits réservés, 2008)

Opinion de soi-même

Sentiment de compétences

Relations aux autres

À l’étage supérieur, on retrouve la confiance en soi, c’est-à-dire l’assurance que l’on peut avoir en ses propres capacités, ses compétences. Si l’estime de soi n’est pas stable, alors accomplir certaines tâches semblera compliqué car l’on ne croit pas en soi-même. C’est le point faible de la personnalité des harceleurs. Ils disposent d’une  estime d’eux-mêmes basse, si bien que pour la remonter, ils attaquent l’estime de leur victime. “C’est comme une balance, si je rabaisse quelqu’un je vais me sentir plus fort” illustre la psychologue luxembourgeoise. 

 

Pour éviter devenir victime ou harceleur, renforcer l’estime de soi chez l’enfant est un passeport indispensable d’un bon équilibre de la personnalité d’après Germain Duclos, psychoéducateur canadien.

" L'estime de soi est un passeport indispensable pour la vie "

E comme Empathie

Serge Tisseron définit l’empathie comme la capacité de se mettre à la place d’autrui, c’est-à-dire arriver à capter l’émotion de l’autre sans s’y confondre. Par exemple, notre voisin de classe se met à pleurer, nous remarquons qu’il est triste. Pourquoi pleure-t-il ? A-t-on mal joué ? Trop brusquement ? De quoi a-t-il besoin? De notre aide ? De celle des adultes? etc… Cette faculté semble innée chez l’Homme.

 

 

De récentes études ont montré que dès 14 mois, des nourrissons viennent naturellement donner leur aide aux adultes en détresse, sans attendre la moindre récompense (Warneken & Tomasello, 2007). Alors pourquoi l’enseigner si elle s’inscrit déjà dans le code génétique de l’Homme ? Catherine Verdier suppose que la faculté d’empathie s’érode avec le temps, si elle n’est pas entretenue. C’est cette faible capacité à se projeter chez l’autre qui favorise le harceleur à agir. D’un côté, il ne capte pas ou peu l’émotion de sa victime, et d’un autre côté, il n’a aucune idée de l’impact de ses paroles sur autrui.

Comme un jeu d'enfant 

            omme le rappelle Catherine Verdier dans son dernier ouvrage, le travail en tandem parents-professeurs est nécessaire dans la prévention contre le harcèlement scolaire. De leur côté, les parents ne peuvent être les seuls pédagogues de leurs enfants à ce sujet ; quant aux enseignants, ils ne peuvent agir sans l’intervention des parents en dehors des heures de classe. Les notions psychosociales doivent être abordées à plusieurs reprises par divers adultes référents. C’est la condition sine qua none d’une éducation à l’empathie efficace. Néanmoins, peut-on inculquer des notions aussi abstraites aux plus jeunes ?

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“ Les enseignants ne peuvent rien faire sans l’intervention des parents “

La difficulté de cet exercice réside alors dans la manière d’aborder ce sujet. Aujourd’hui, de plus en plus d’outils se développent pour familiariser petits et plus grands aux gammes des émotions. Cela passe principalement par les jeux : de plateau, de cartes ou encore des jeux de rôles. Ils consistent à éveiller les jeunes à l’empathie en passant par la reconnaissance de leurs émotions et de celles d’autrui.

“Cela fait parler et réfléchir”

 

Le jeu des 3 Figures élaboré par le psychanalyste Serge Tisseron en est un bon exemple puisque ce jeu de rôle incite les élèves à se mettre à la place d’autrui dès la maternelle. Les règles sont simples : en classe, trois rôles sont distribués par l’enseignant : l’agresseur, la victime et le redresseur de torts. Chaque enfant doit se mettre dans la peau de son personnage, et, pour ce faire, il doit comprendre son état d’esprit.

 

 

Ce jeu favorise la compréhension des différentes attitudes et amène les jeunes à se remettre en question : à partir de quand blesse-t-on quelqu’un ? Si on me harcelait, est-ce que je le vivrais bien ? Pourquoi la victime ne défend pas son territoire ? Comment peut-on heurter volontairement quelqu’un ? etc. C’est là qu’intervient plus activement le rôle de l’enseignant : il éclaircit les éventuelles zones d’ombre et favorise les échanges. Puis, suite à cette première expérience, les enfants échangent leurs rôles jusqu’à connaître chaque personnage

De retour à la maison, les élèves peuvent poursuivre l’échange initié par leurs professeurs avec leurs parents. En mars 2017, le collectif You Are Heroes a lancé le jeu “Valeurs en mains” : un jeu de cartes pour briser le mutisme sous le modèle du jeu de 7 familles.

De la même manière que l’on doit retrouver l’aïeule de la famille “Bien-aimé” ou “du Manoir”, les enfants devront réunir les valeurs de chaque famille. Par exemple, dans la famille “Entraide”, on recherche le partage, la solidarité et l’esprit d’équipe, alors que dans la famille “Sagesse” on réunit la patience, l’objectivité et la compréhension.

 

Sur chacune de ces cartes, une citation empruntée à des figures célèbres comme Victor Hugo ou Nelson Mandela sont inscrites et invitent les enfants à s’interroger : “Ce qui m’effraie ce n’est pas l’oppression des méchants mais l’indifférence des bons”.

 

Ce concept a été imaginé par Willy Pierre, journaliste d’investigation en Savoie et président du collectif, aux lendemains des suicides de Mattéo Bruno et de Marion Fraisse, tous deux âgés de 13 ans et usés par les moqueries de leurs camarades.  
“ Le jeu consiste à deviner les valeurs et les malheurs des autres. Le but étant évidemment de faire triompher les valeurs. « Cela fait parler, réfléchir » confie-t-il au Parisien, en mars 2016.

 

Dans le même esprit, le jeu de plateau “Feelings” aborde des sujets de discrimination, qui est le principal objet du harcèlement scolaire. Élaboré par deux pédopsychiatres, Vincent Bidault et son homologue Jean-Louis Roubira, le jeu ouvre le dialogue sur le ressenti émotionnel de chaque joueur.

 

Le principe est simple : par binôme, on tire une carte décrivant une situation sociale, par exemple “un élève en situation de handicap va être accueilli au sein de votre établissement scolaire”. Chacun indique la carte correspondant à son ressenti personnel face cachée, puis parie en quelque sorte sur l’émotion de son partenaire. On peut choisir de partager son dégoût, sa peur, sa colère, ou même sa joie à l’égard de cette situation..

 

 

Parler de ses souffrances et

s'intéresser aux autres 

Ensuite, lors de la révélation des cartes, les joueurs confrontent leurs idées et s’interrogent sur le choix des autres. Surprise d’une carte “peur”, Manon pourrait échanger avec Sarah sur le sujet  “Pourquoi les handicapés t’effraient ? Ce ne sont pas des monstres“ et sa coéquipère répondrait : “C’est à cause de leurs regards bizarres”.

 

“ [Cela permet de] Parler de ses souffrances, de choses très fortes et en même temps de s’intéresser à ce que les autres renvoient...Cela renseigne sur la société qui nous entourent” confie Jean-Louis Roubira co-créateur du jeu lors du concours EDUCAFLIP en 2016

 

Feelings requiert de l’observation, centrée sur soi-même dans un premier temps, avant de se focaliser sur son partenaire. Grâce à une panoplie d’émotions, les joueurs apprennent à mieux se connaître en identifiant l’état d’esprit de chacun. Une incitation au regard, à l'écoute mais surtout à la considération. 

 

Pour prévenir de ces méfaits, la psychologue propose des ateliers basés sur la confiance en soi et l’assertivité au sein des associations Psyfamille et Marion la Main Tendue. Les enfants ont besoin de travailler sur ces trois notions psychosociales pour tendre vers l’assertivité. C’est en quelque sorte la conjugaison de toutes ces fonctions. Avec une estime de soi équilibrée, une bonne compréhension des émotions, et une empathie fonctionnelle, l’enfant va pouvoir s’affirmer auprès des autres sans les détruire.

Séance 3

Séance 2

Introduction

Accueil

Séance 1

Conclusion

L'extension du harcèlement scolaire en ligne a relancé de nouvelles pistes de travail dans le secteur de la recherche. D'après un consensus scientifique, les harceleurs sont dépourvus d'empathie face aux écrans. Ils s'adonnent plus facilement à la violence. Les victimes, elles, éprouvent des difficultés à partager leurs émotions.

 

Cette gestion des émotions altérées chez les protagonistes de harcèlement serait due à un retard de développement de l'empathie cognitive, selon la pédopsychiatre Nicole Catheline. 

 

Afin de développer cette empathie, Catherine Verdier propose un traitement de fond : la méthode des 3E, applicable dès la maternelle. Elle permet d'entretenir les facultés psychosociales des enfants et ainsi apaiser à terme les relations interpersonnelles au sein des établissements scolaires.

 

Cette méthode est inspirée du programme KIva en Finlande, qui a également fait ses preuves, avec 98% d'amélioration des cas des victimes. Le principe est d'intégrer un état d'esprit aux programmes scolaires et non de dispenser tout un volume de cours sur la prévention du harcèlement. Ainsi durant toute leur scolarité, les élèves disposent des réflexes pour réagir lors de situations délicates et entretiennent un maximum le bien-être en classe.

 

Le 5 mars 2018, Catherine Verdier a remis son ouvrage #j'aime les autres à Emmanuel Macron. Après la refonte du bac, passerait-il à la 3e ? 

 

 

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